Tuesday, November 26, 2013

Difficile retour au pays natal pour les jeunes Albanais de Grèce

Depuis le début de la crise en Grèce, près de 200 000 migrants albanais ont fait le choix de rentrer au pays. Une décision difficile et souvent traumatisante pour les plus jeunes, qui doivent s’adapter à un pays qu’ils connaissent mal.
A Tirana, tout le monde l’appelle « Greg », le Grec. Il s’appelait Christos, quand il vivait à Lagonisi, sur les côtes méridionales de l’Attique. Une après-midi, alors qu’il se préparait à aller à son entraînement de basket, ses parents lui ont lancé, de but en blanc, qu’ils allaient devoir retourner en Albanie.

Toute la famille est donc repartie en Albanie ; Christos-Greg avait à peine 16 ans. Son père, maçon, ne trouvait plus de
travail depuis des mois, et la famille n’arrivait plus à vivre avec le seul salaire de la mère, qui faisait des ménages au noir dans les villas de la côte. Sauf que pour un adolescent qui est né et a grandi à Lagonisi, et a scolarisé dans les écoles grecques, partir pour Tirana revenait à aller sur la planète Mars.
Il ne savait ni lire, ni écrire l’albanais : dans quelle classe fallait-il l’inscrire ? Sans parler des amis : « J’ai eu la chance de ne pas subir de racisme de la part de mes compagnons en Grèce. Mes amis sont là-bas. Je veux y retourner dès que je peux. Ici, je dois être à la maison avant dix heures du soir, les rues ne sont pas sûres, il y a des rixes entre des bandes, c’est même le cas à l’école. A Lagonisi, nous pouvions rentrer tard, parfois à l’aube, en fin de semaine, sans dépenser d’argent, on s’amusait sur la plage ou on jouait au basket », raconte l’adolescent. Un témoignage qui ressemble à celui de tant de jeunes d’origine albanaise, qui ont dû retourner vivre à Tirana ou à Durrës, dont les témoignages avaient été publiés dans le quotidien grec Ta Nea.
Déracinés
Selon une enquête commune de l’Agence américaine pour le Développement international et du ministère albanais des Affaires étrangères, près de 200 000 Albanais vivant en Grèce sont retournés dans leur pays natal au cours des cinq dernières années.
Combien de Greg-Christos, nés à Athènes ou dans les îles de la mer Égée, mettent un sens derrière le mot « retourner au pays » ? Pour ces jeunes qui ont mâché quelques mots d’albanais à la maison et qui ont grandi, joué et se sont instruits en grec, le terme « déraciner » semble plus approprié.
104 225 enfants sont nés de parents immigrés albanais entre 2004 et 2012, selon les statistiques grecques. Greg-Christos était déjà né en 2004, ses parents ayant émigré en Grèce en 1994, après un long parcours à pied avec le rêve de fonder leur famille dans l’Union européenne. Leur fils est né sur la côte grecque. « Maintenant pour voir la mer, je dois faire presque deux heures de route », dit Christos, amer.
Oublier le grec
La petite Eleni a neuf ans, elle est justement née en 2004 : il a été plus facile de l’inscrire en cours moyen, à Tirana. Pour Anna, 13 ans, sa sœur aînée, cela a été plus dur. La famille peinait à joindre les deux bouts depuis deux ans, moment où le père s’est retrouvé au chômage. Ils ont alors décidé de quitter Kypseli, faubourg pavillonnaire aux portes d’Athènes.
« J’étais une bonne élève en Grèce, une année on m’a même confié le drapeau grec à porter pendant le défilé de la fête nationale : un honneur réservé à l’élève qui avait obtenu les meilleures notes ! Maintenant, j’ai peur d’oublier peu à peu la langue grecque ; même si mes parents ont tout fait pour trouver une école avec une section où l’on apprend le grec [1].
« Mon père peine à trouver du travail, même ici. Nous devrons probablement déménager dans une autre ville et il n’est pas dit qu’il y ait le grec en deuxième langue » craint la jeune fille.

No comments: